lundi 19 décembre 2016

Sagesse Franciscaine : Saint François et Sainte Claire nous expliquent la crise dans la Tradition

 Le sacrifice d'Abraham et le vrai renoncement selon l'esprit de Saint François d'Assise



Pour suivre l'appel de Dieu, l'homme se donne à fond à une œuvre. Il le fait passionnément et dans l'enthousiasme. Cela est bon et nécessaire. Seul l'enthousiasme est créateur. Mais créer quelque chose, c'est aussi la marquer de son empreinte, la faire sienne, inévitablement. Le serviteur de Dieu court alors son plus grand danger. Cette œuvre qu'il a accomplie, dans la  mesure où il s'y attache, devient pour lui le centre du monde ; elle le met dans un état d'indisponibilité radicale, Il faudra une effraction pour l'en arracher. Grâce à Dieu, une telle effraction peut se produire. Mais les moyens providentiels mis en œuvre sont redoutables. Ce sont l'incompréhension, la contradiction, la souffrance, l'échec. Et parfois jusqu'au péché lui-même que Dieu permet.  La vie de foi connaît alors sa crise la plus profonde, la plus décisive aussi. Cette crise est inévitable. Elle se présente tôt ou tard, dans tous les états de vie. L'homme s'est consacré à fond à son œuvre ; et il a cru rendre gloire à Dieu par sa générosité. Et voici que tout à coup Dieu semble le laisser à lui-même, ne pas s'intéresser à ce qu'il fait. Bien plus, Dieu semble lui demander de renoncer à son œuvre, d'abandonner ce à quoi il s'est dévoué corps et âme durant tant d'années dans la joie et dans la peine.


« Prends ton fils, ton unique, celui que tu aimes, et vas-t- en au pays de Moria, et là offre-le en holocauste ». Cette parole terrible adressée par Dieu à Abraham, il n'est de vrai serviteur qui ne l'entende un jour à son tour. Abraham avait cru à la promesse que Dieu lui avait faite de lui donner une postérité. Pendant vingt ans, il en avait attendu la réalisation.Il n'avait pas désespéré. Et quand enfin l'enfant hit venu, l'enfant sur lequel reposait la promesse, voici que Dieu somme Abraham de le Lui sacrifier. Sans aucune explication. Le coup était rude et incompréhensible. Eh bien ! c'est cela même que Dieu nous demande à nous aussi un jour ou l'autre.
Entre Dieu et l'homme, il semble alors qu/on ne parle plus le même langage. Une incompréhension a surgi. Dieu avait appelé et l'homme avait répondu. Maintenant l'homme appelle, mais Dieu se tait. Moment tragique où la vie religieuse confine au désespoir. Où l'homme lutte tout seul dans la Nuit avec l'insaisissable. Il a cru qu'il lui suffisait de faire ceci ou cela pour être agréable à Dieu. Mais c'est à lui que l'on en veut. L'homme n'est pas sauvé par ses œuvres, si bonnes soient-elles (attention, ne pas lire cette phrase dans le sens que lui donnent les protestants, la suite nous le fait aisément comprendre). Il lui faut encore devenir lui-même l'œuvre de Dieu (travail de la grâce et de la gloire que ne comprennent justement pas les protestants). II doit se faire plus malléable et plus humble entre les mains de son Créateur que l'argile dans les mains du potier. Plus souple et plus patient que l'osier entre les mains du vannier. Plus pauvre et plus abandonné que le bois mort dans la forêt au cœur de l'hiver. A partir seulement de cette situation de détresse et dans cet aveu de pauvreté, l'homme peut ouvrir à Dieu un crédit illimité en lui confiant l'initiative de son existence et de son salut. Il entre alors dans une sainte obéissance. Il devient enfant et joue le jeu divin de la création. Par-delà la douleur et le plaisir, il fait connaissance avec la joie et la puissance. Il peut regarder d'un cœur égal le soleil et la mort Avec la même gravité et la même allégresse. »

in : Sagesse d'un Pauvre, par le Père Eloi Leclerc, pp 123-125


Sagesse de Sainte Claire, également applicable quand le supérieur a mis imprudemment le feu à congrégation.

«Si une sœur venait me dire qu'elle a mis le feu au monastère et que tout est brûlé ou presque, je crois qu'à ce moment-là, je n'aurais rien à lui dire, je me trouverai devant un événement qui me dépasse. La destruction du monastère, c'est là vraiment une trop grosse affaire pour que j'en sois troublée profondément. Ce que Dieu Lui même a bâti ne saurait tenir à la volonté ou au caprice d’une créature. C'est autrement solide. »

Sainte Claire à Saint François d’Assise