samedi 8 août 2015

A propos du terme "Résistance"

Puisque certains contestent le terme de "Résistance" couramment employé pour désigner les prêtres, religieux et fidèles luttant contre la libéralisation de la FSSPX, surtout depuis 2012, voici quelques réflexions sur ce terme.
Notons tout de même que ce terme n'est que l'abrégé de "Résistance catholique" qui est le terme exact, diffusé depuis au moins l'automne 2012.
Cet article a été initialement publié dans le numéro 9 de notre bulletin Reconquista (mars avril 2015), que vous pourrez télécharger sur ce lien.


On entend, en France, de part et d'autre des critiques sur le terme de "Résistance" donné de manière courante aux prêtres qui ont du quitter ou se sont fait exclure de la FSSPX en raison de leur opposition à un accord avec Rome sans conversion de celle-ci.
Si nous concédons volontiers que ce terme n'est peut être pas le meilleur, qu'il est à l'évidence réducteur, il faut cependant reconnaître qu'il indique rapidement et clairement ce qui constitue en quelque sorte notre "différence spécifique". 
Répondons sommairement à quelques uns des griefs imputés à ce terme, ce qui nous permettra par le fait même de présenter ce qu'est en réalité la Résistance, loin des rumeurs et ragots répandus pour nous discréditer. Pour ce faire, cet article recourra à plusieurs sermons ou documents de ces prêtres, notamment les abbés Chazal et Picot. 


"Résistant" ou "combattant" ? 

Quant à la distinction de l'abbé Bouchacourt entre "résistant" et "combattant", elle semble assez spécieuse, car qu'est ce qu'un résistant, sinon un combattant, non un combattant acculé comme le prétend l'abbé Bouchacourt à Bailly en octobre dernier, mais un combattant qui doit mener son combat face à un occupant, souvent matériellement supérieur ? Résister, c'est faire face à un occupant; or l'Eglise n'est elle pas occupée, selon l'expression de J. Ploncard d'Assac ? n'est elle pas occupée par le modernisme, par une église officielle, l'"église conciliaire" selon les propres termes de Mgr Benelli ? Il est donc tout à fait exact d'affirmer que nous résistons, car être combattant de la Foi, comme le veut l'abbé Bouchacourt, c'est résister aux attaques contre cette Foi, si nombreuses en ces temps d'apostasie générale. Comme le disait Monsieur l'abbé Picot dans un de ses sermons (Cebu, 26 octobre 2014: https://www.youtube.com/watch?v=kHZdkXLR3HY), "pour sauver nos âmes, il faut résister !", il faut résister à toutes les nouveautés issues du Concile: liberté religieuse, dont nous ne pourrons jamais dire qu'elle est "très limitée", nouvelle conception collégiale de l'Eglise, nouvelle messe, messe "bâtarde" comme le disait Mgr Lefebvre, nouveau code de 1983, qui se veut l'application de la nouvelle ecclésiologie de Vatican II, nouvelle morale, fondée sur la dignité humaine, initiée par Jean-Paul II et Benoît XVI, et largement promue par le pape François. Face à toutes ces choses, un combattant de la Foi résiste vaillament, d'où qu'elles viennent, et quoiqu'il puisse lui en coûter. 


Resistance to what ? * (A quoi résistons nous ?)

Dans un récent sermon donné à Brisbane (Dimanche de la Sexagésime), l'abbé Chazal énumère trois éléments principaux auxquels nous résistons: un nouveau culte, une nouvelle doctrine, une nouvelle loi. 

Un nouveau culte: la nouvelle messe et les nouveaux sacrements. Il ne nous est pas possible de nous accommoder de la nouvelle messe, de minimiser sa nocivité. A la suite de Mgr Lefebvre, nous ne pouvons l’accepter comme légitime. A cette nouvelle messe, il nous est impossible de participer, même si pour cela nous devons être pour cela privé de messe. Les raisons de ce refus sont exposées dans le Bref Examen Critique du Novus Ordo Missae, signé les cardinaux Ottavianni et Bacci: celle ci en effet, “s’éloigne dans l’ensemble, comme dans le détail de la théologie catholique de la Sainte Messe [...]” (préface: lettre à Paul VI des deux cardinaux) 
“Il est évident que le nouvel Ordo Missae renonce en fait à être l’expression de la doctrine que le Concile de Trente a défini comme étant de foi divine et catholique. Et cependant la conscience catholique demeure à jamais liée à cette doctrine. Il en résulte que la promulgation du nouvel Ordo Missae met chaque catholique dans la tragique nécessité de choisir” (p 33 [dans l’édition d’Itinéraires, mars 1970] conclusion du §6). 

Appartiennent également à ce nouveau culte les nouveaux sacrements, dont la validité est parfois douteuse (comme pour la confirmation en raison de la possibilité de se servir d’huile qui n’est pas d’huile d’olive). 

Une nouvelle doctrine: les enseignements de Vatican II, dont nous ne pouvons pas accepter 95%, car, si il y a de bons éléments, ceux ci servent à faire accepter les mauvais enseignements qui en constituent l’essentiel, et qui les rendent encore plus dangereux en leur donnant une apparence plus traditionnelle. Ces nouveaux enseignements peuvent être synthétisés en la “religion de l’homme qui se fait Dieu” dont parlait Paul VI: “nous aussi, plus que quiconque, avons le culte de l’homme” proclamait ce dernier le 8 décembre 1965 à la cérémonie de clôture du Concile. Le modernisme, le libéralisme, proclamant l’autonomie de l’homme vis à vis de Dieu, nie par le fait même sa dépendance vis à vis de Dieu, et constitue en cela une vraie révolution, “libérant” l’homme de son statut de créature, le rendant ainsi « comme [un] dieu », vieille tentation depuis l’Eden. 
De ce “culte de l’homme”, découle la liberté religieuse afin de sauvegarder sa dignité (Dignitatis Humanae et Nostra Aetate), le rejet de la forme monarchique de l’Eglise et une conception démocratique de l’Eglise (collégialité de Lumen Gentium), conception qui se retrouve dans le nouveau code. 

Une nouvelle loi: le nouveau code, promulgué en 1983 par Jean Paul II, se voulant l’application dans le domaine juridique de la nouvelle ecclésiologie (Lumen Gentium, Gaudium et Spes principalement). Sur ce sujet, nous vous renvoyons aux explications de Monsieur l’abbé Pivert au début de son livre sur les procès des abbés Salenave et Pinaud, et à l’article de l’abbé du Châtelet publié dans un récent numéro du  Combat de la Foi (n° 171). 

Voilà  ce que à quoi nous résistons, et cela manifeste que nous résistons à ce à quoi Mgr Lefebvre et la Tradition catholique ont toujours résisté. Et ce ne sont pas d’autres raisons qui nous font nous opposer aux nouvelles orientations de la FSSPX et de certaines de ses communautés amies. 

En effet, sur ces trois points, la position de la FSSPX a évolué: si elle ne les admet pas forcément tels quels, elle accepte de se taire sur ces points de cesser de résister à ces trois nouveautés (elle agit ainsi comme les communautés ralliées qui n'admettent pas forcément ces mauvaises choses, mais qui elles aussi ont accepté de se taire). 
Sur la nouvelle messe, Mgr Fellay a écrit dans sa Déclaration doctrinale du 15 avril 2012, qui devait servir de base à l'accord canonique, qu'elle était "légitimement promulguée", ce qui comme l'a montré cette même année l'abbé de la Rocque, équivaut à dire qu'elle était légitime, et donc bonne. 
Sur la nouvelle doctrine, Mgr Fellay commence à excuser Vatican II et se rapproche de l'herméneutique de la continuité (comme l'a montré la Critique de la déclaration doctrinale par l'abbé de Jorna). Il accepte par exemple de dire que la liberté religieuse du concile est "très, très limitée, très limitée" (interview à CNS le 15 mai 2012 vers 1min 30)  
"Nous nous sommes aperçu que beaucoup de choses que nous condamnions comme venant du Concile, ne viennent pas en réalité du Concile lui même, mais de son interprétation générale". (CNS 15 mai 2012, vers min 1) 
Quant au nouveau code, son usage, visible dans les procès des abbés Pinaud et Salenave, sert, d'après l'abbé Anglès, canoniste de Mgr Fellay à "faire des ponts" avec Rome. 


Un terme réducteur ? 

Un autre argument utilisé contre ce terme est qu'il est réducteur par rapport à notre combat, et qu'il a une connotation négative. 
Nous y répondrons en soulignant que l'usage de termes négatifs est très courant, et sert à faire voir clairement ce qu'est la chose, comme par contraste. Ainsi, quel mot est il utilisé pour décrire l'une des réalités les plus augustes qu'il soit concernant la Sainte Vierge ? "Immaculée", c'est à dire, "sans tache", terme négatif s'il en est, mais qui est bien clair, et permet d'appréhender en un mot une réalité complexe et supérieure. 



Le terme même a d'ailleurs été utilisé de nombreuses fois par Mgr Lefebvre et les premiers combattants de la « Tradition ». Voici trois citations extraites des Conférences spirituelles qui expliquent ce qu'est notre résistance : 

En 1975 :
"Je pense que cela a une très grande importance parce que, voyez-vous, vous le savez aussi bien que moi, depuis le concile eh bien les réformes ont nécessairement provoqué parmi les catholiques, parmi les prêtres, et même parmi certains évêques une certaine résistance aux réformes. Cette résistance évidemment a été assez longtemps très indécise, très imprécise puis s’est affirmée toujours de plus en plus. À mesure que les réformes entraient dans leur réalisation dans la pratiques je dois dire que la résistance s’est durcie, s’est organisée, s’est confirmée." (COSPEC 27-02-1975)

En 1978 : 
"C’est donc en définitive tout simplement cela. Cette réaction n’est pas autre chose. Je pense que vous-mêmes, vous avez eu cette réaction ; vous devez le savoir, vous devez connaître votre histoire, l’histoire de votre résistance au modernisme et au poison qui a voulu attaquer votre foi. A un certain moment, vous vous êtes dit : - Ce n’est plus possible, ça ne va plus… Si je continue à accepter tout ce qui m’est donné comme ça, sans critiquer, sans réfléchir, sans voir, sans résister, je vais abandonner la foi… Je vois autour de moi quantité de gens qui abandonnent l’Eglise, qui abandonnent la foi, de mes amis, de mes parents, quelquefois de mes frères, de mes sœurs, qui ne pratiquent plus, qui ne croient plus à rien, etc. Mais si ça continue, moi je vais y passer aussi !…" (COSPEC 63 A 21 déc 1978)

En 1983 : 
"Alors il faut analyser ces choses-là pour voir dans quelle mesure nous devons nous durcir, si l’on peut dire, nous consolider sur nos positions d’opposition, d’opposition à une bonne partie des documents du Concile, d’opposition aux réformes post-conciliaires et donc d’opposition à tout ce qui se fait de nouveau dans l’Eglise dans cet esprit du Concile Vatican II. " (Mgr Lefebvre COSPEC 101 25-10-1983 Trois trahisons du Concile)


Un terme connoté 

Un dernier reproche a été lançé contre ce terme de "résistance": il renverrait trop à la résistance française de la Seconde Guerre Mondiale, gangrenée comme on le sait par les gaullo-communistes... C'est oublier qu'il y eut une résistance ni gaulliste, ni communiste, faible certes, mais c'est surtout avoir une vision trop "franco-française", en négligeant toutes les résistances héroïques au communisme dans les pays de l'Est... résistances souvent très catholiques comme en Pologne ou en Ukraine, dont l'héroïsme contraste avec notre frilosité...
Notons également que la "résistance" étant, comme l'Eglise, mondiale, le terme est apparu en pays anglo saxons, où ne se posait pas ce dernier problème, et s'est ensuite répandu dans le monde entier où il s'est peu à peu imposé. Est il donc si nécessaire de le changer pour satisfaire quelques français ? 


En guise de conclusion...

Les chefs d'accusation sont donc nombreux pour ce simple mot... la cause est elle pour autant entendue ? Nous laissons au temps le soin de trancher la question. 
Cependant, puisque ce terme s'est imposé dans le monde entier, nous pensons tout à fait légitime de continuer à employer ce terme. La France ayant été presque la dernière à bouger dans ce grand mouvement de fidélité, il serait quelque peu malséant, nous semble-t-il, de modifier pour cette dernière venue u terme déjà bien implanté ailleurs. Peut être gagnerions nous à nous départir de réflexes un peu trop "franco-français": l'Eglise est catholique, universelle, et la France n'en est pas la tête...

Pour satisfaire les adversaires du terme, proposons néanmoins d'autres termes déjà utilisés: "Réfractaires"("Recusant") qui renverrait aux prêtres non-assermentés dont nous sommes si proches ? Combat de la Foi, plus générique ? Persévérance, comme le propose Parvulus sur Christus vincit, qui montre bien aussi ce que nous sommes ? 
Pour notre part, nous pensons que la meilleure alternative est le terme de "Fidélité catholique", proposé sauf erreur par M. l'abbé Pivert. Ce terme correspond à merveille avec ce que nous sommes, avec l'essence de notre combat, de notre résistance...