mercredi 8 octobre 2014

Editorial Reconquista 6: Des maîtres pour notre temps


En ces temps de "désorientation diabolique", et pour mener à bien notre combat pour le Christ Roi (voir éditorial précédent), il importe plus que jamais de se choisir de bons maîtres. Ce sont eux qui nous guideront dans notre croisade. 
Si un grand nombre de combattants anti-libéraux pourraient être cités ici, la crise que traverse l'Eglise a mis en valeur de manière particulière certains de ces combattants: Mgr Lefebvre, Mgr de Castro-Mayer, le Père Calmel, l'abbé Berto, et tant d'autres à qui nous devons la préservation de la Tradition jusqu'à aujourd'hui. 

Le combat de Mgr Lefebvre a déjà été sommairement exposé dans le numéro précédent, et il faudrait relire tout le chapitre 2 du livre de l'abbé Pivert, qui montre que le but de Mgr Lefebvre était le Christ Roi et la réservation de la Foi, ainsi que le chapitre 8, intitulé "Que faire ?", qui expose quel doit être notre combat. 

Autre grand lutteur pour le Christ Roi, Mgr Antonio de Castro Mayer mériterait d'être mieux connu ou découvert par les catholiques traditionnels. Et c'est à monsieur l'abbé Pinaud que revient le mérite de la publication de la traduction de The Mouth of The Lion du docteur White (1). Ses lettres pastorales, son Catéchisme des vérités opportunes, publiées dans le Sel de la Terre (n° 37 à 42) (2), sont à lire et à relire pour nous remplir de cette force invincible de l'esprit de Foi. 

A la lumière de ces deux intrépides prélats, comment pouvons nous mener notre combat ? 

Tout d'abord, il nous faut conserver les principes, ne jamais accepter de les sacrifier, même dans le but d'obtenir ainsi un plus grand rayonnement:
Devant cette déchristianisation, nous devons prendre une résolution plus ferme que jamais d'avoir en nous les principes de la Foi chrétienne. Et garder fermement ces principes pour agir selon ces principes quoiqu'il en coûte [...] (3)

Comment garder ces principes, comment en vivre, sinon grâce à une étude approfondie de notre Foi, de la doctrine, mais également de la Révolution. Il est indispensable de connaître l'ennemi afin de pouvoir mieux le contrer. C'est ce que fit admirablement Mgr de Castro Mayer dans son diocèse, où il s'attacha à former ses prêtres et ses fidèles par ses lettres pastorales, les cours de catéchisme pour tous: 
Ils furent instruits en histoire de l'Eglise, en doctrine, en théologie. Ils étudièrent les Pères de l'Eglise, Ils étudièrent les modifications de la Messe fabriqués par Jean XXIII à la lumière des enseignments de Saint Thomas d'Aquin pour comprendre pourquoi ils étaient inacceptables. [...] Ils connaissaient le catéchisme du concile de Trente, [...] (4)
 En effet, "c'est une nécessité absolue d'étudier le libéralisme et de bien le comprendre"(5), afin de ne pas se faire contaminer, et tant Mgr Lefebvre que Mgr de Castro Mayer insistèrent sur ce point, nous y reviendrons. 
Pour rester dans les moyens spirituels,  ces "armes de lumière" évoquées dans un éditorial précédent, la dévotion mariale est le point le plus indispensable. Un des premiers actes de gouvernement de Mgr de Castro Mayer fut de demander à tous ses prêtres de réciter trois Ave après la messe basse pour la préservation de la Foi dans le diocèse. Il faut lire le récit du passage de la Vierge pélerine de Fatima dans le diocèse de Campos (6), pour voir à quel point cette dévotion était profondément enracinée. "Ipsa conteret"(7), telle était la devise de Mgr de Castro Mayer, et elle illustre bien la profonde dévotion mariale du prélat qui lui consacra plusieurs lettres pastorales, notamment sa première sur le dogme de l'Assomption, et sa dernière sur la médiation de la sainte Vierge (16 juillet 1878). La dévotion à la Vierge, rempart contre le modernisme, spécialement dans son Immaculée Conception, fut sans doute l'un des aspects les plus marquants de l'évêque brésilien, dans le diocèse duquel, toute l'année était divisée en quarts d'heure pour lesquels s'inscrivaient les fidèles pour réciter le rosaire, lui même s'inscrivant pour le premier quart d'heure de chaque mois. 
Cette dévotion mariale est sans contestation possible le baromètre de notre combat pour le Christ Roi, et contre les erreurs conciliaires: 
Mais si d'aventure, après des circonstances invraisemblables, le successeur de Pierre venait à ne plus suivre Marie, à ne plus répandre l'esprit de vérité et de sainteté, que ferions nous ? A qui recourir ? Où allons nous ? Eh bien nous resterons avec Marie. [...]
Demandons donc à la Vierge Marie de rester fidèles, de lui rester fidèles. C'est par sa protection, par la dévotion à Marie que nous demeurerons dans la Foi et dans l'Eglise catholique. [...] 
Et la Vierge Marie nous y aidera parce qu'elle a une allergie profonde à l'erreur, allergie au péché, elle ne peut pas sentir l'erreur. Marie est pour la vérité, contre l'hérésie, elle est par nature contre tout ce qui s'oppose à la vérité et à la sainteté, contre tout péché quel qu'il soit, même le moindre péché véniel, la moindre négligence. Elle y est allergique parce qu'elle veut demeurer dans la sainteté et dans la vérité. Demandons lui de nous communiquer cette allergie. (8) 

Cependant, l'insistance sur les moyens spirituels, normale puisque cette lutte est avant tout spirituelle, ne doit pas nous faire verser dans un surnaturalisme béat. Il nous faut prendre des moyens concrets pour préserver la Foi et les principes catholiques. Et prendre les moyens signifie se lancer dans une véritable croisade contre le monde moderne, le libéralisme ambiant. Cette croisade doit se fondant sur les principes, faire rayonner la vérité autour de nous, et former une véritable élite: "Ne cherchons pas à faire des masses, simplement des mouvements de masse, sans donner une formation profonde" (9)
Il faut, sans crainte du mépris, des incompréhensions, rebâtir ces fortins de chrétienté dont parlait le Père Calmel, d'où enracinés sur les principes, nous pourrons communiquer la vérité dont Dieu nous a fait don: 
Nous ne pouvons pas annoncer la bonne nouvelle: Jésus est venu nous sauver, Jésus nous a sauvé par la Croix. [...] Voila ce que nous devons annoncer. Nous devons avoir cet esprit missionnaire. Nous devons proclamer l'Evangile partout, non seulement autour de nous et dans nos familles, mais aussi dans toute la société,dans nos professions, partout où nous sommes. (10)

Pratiquement, cette formation passe par la création de séminaires, et le début d'un embryon de séminaire en France ne peut que nous réjouir grandement, d'écoles et de mouvements intégralement catholiques. Il est intéressant de voir l'attention et le zèle que déploya Mgr de Castro Mayer pour son séminaire. En effet, seuls les archidiocèses ont ordinairement un séminaire. Cependant, voyant que le séminaire de Rio était trop contaminé par le modernisme, l'évêque commença par envoyer ses séminaristes dans un autre diocèse, puis ouvrit lui même un séminaire au nord de son propre diocèse de Campos. La lutte ne s'arrêta pas là, puisque les modernistes de la Conférence épiscopale brésilienne envisagèrent alors de couper en deux le diocèse, séparant le séminaire de la ville de Campos. Mgr de Castro Mayer déplaça alors le séminaire à Campos même. Enfin, quand il fut remplacé par Mgr Navarro, il ouvrit assez rapidement un séminaire où les aspirants au sacerdoce purent trouver la saine doctrine. Un zèle égal fut aussi déployé pour les écoles catholiques, qui à peine fermées par le nouvel évêque, rouvraient aussitôt dans la même ville.

Cette formation passe aussi par les retraites, notamment les Exercices, ce "précieux instrument de rénovation" dont parle Pie XI (Quadragesimo Anno), qui eurent une si grande influence pour la Contre réforme catholique. Cela également nous l'avons en France, prêchées par les dominicains et l'abbé Pivert. Ayons donc à coeur d'en profiter.

Ainsi, solidement armés, nous pourrons livrer combat pour le Christ Roi.

Opportet illum regnare. 





(1) Docteur David Allen White,  La Gueule du Lion, Mgr Antonio de Castro Mayer et le dernier diocèse catholique, traduction par M. Bur, préface de l'abbé de Cacqueray, éditions Sainte Jeanne d'Arc, 2010
(2) Puis en plaquette aux éditions du Sel
(3) Retraite à Ecône, 3 septembre 1985, cité in abbé Pivert, Mgr Lefebvre: Nos rapports avec Rome, p 322
(4) La Gueule du Lion, p 110; tout le chapitre est à lire pour voir le travail de formation qui permit à ce diocèse de rester catholique,.... jusqu'à  son ralliement en 2001. 
(5) Mgr Lefbvre, 22 septembre 1988, in abbé Pivert, Mgr Lefebvre: Nos rapports avec Rome, p 323
(6) La Gueule du Lion, p 117 et suivantes.
(7) Elle le repousse
(8) Sermon de Pentecôte 1989, Ecône. Tout le sermon est à lire. abbé Pivert, op cit p 124
(9) Retraite à Ecône, 3 septembre 1985, in abbé Pivert op cit p 328
(10) Sermon de Pentecôte 1977, in abbé Pivert op. cit. p 325