mercredi 18 décembre 2013

La Nouvelle Église à la Dérive, Devons-Nous en Rire ou en Pleurer?, par l'abbé Girouard (2007)

Chers lecteurs:
J’aimerais vous parler au sujet d’une paroisse de Régina (Saskatchewan) nommée ‘Little Flower’ (‘Petite Fleur’, d’après Ste Thérèse de l’Enfant-Jésus). Et je ne vais pas lui faire une fleur, c’est le moins qu’on puisse dire. Le bulletin de cette paroisse annonce en première page que le Père Bill Mahoney est le ‘Prêtre Modérateur’, et la Soeur Mel Hruska est la ‘Ministre Paroissiale’ (‘Parish Minister’). Ne riez pas, c’est vrai. J’ai le bulletin entre les mains. Ce que je comprend de ces divers titres est que la Soeur, étant Ministre Paroissiale, fait à peu près tout ce que Monsieur le Curé faisait autrefois, et que le Père Bill est là pour ‘modérer’ ses transports d’enthousiasme, pour s’assurer qu’elle n’aille pas jusqu’à dire les paroles de la consécration sur le pain et le vin. Vous comprendrez mieux pourquoi j’affirme cela, quand je porterai à votre connaissance une des annonces les plus importantes de l’édition du 3 septembre 2006 de ce bulletin paroissial... Laissez-moi donc vous la reproduire mot à mot:

« ASSEMBLÉE DOMINICALE EN L’ABSENCE DE PRÊTRE, LES 9 & 10 SEPTEMBRE: La fin de semaine des 9 et 10 septembre, le Père Bill ne sera pas à la paroisse. À cette occasion, nous substituerons une Assemblée Dominicale en l’Absence de Prêtre à la place des Messes du Samedi/Dimanche. Pour quelques-uns, la réaction naturelle pourrait être de chercher une autre église où une Messe dominicale serait célébrée. Cependant il faudrait savoir qu’il est très important que les paroissiens montrent leur loyauté et leur support envers leur propre communauté paroissiale même quand le prêtre n’est pas disponible. Selon les directives de l’Église et de l’évêque du lieu, l’assistance à ces Assemblées Dominicales en l’Absence de Prêtre suffit pour l’accomplissement du devoir de sanctification du dimanche. Soyez certains que ceux qui présideront ces assemblées le feront avec la plus grande révérence et dévotion. S’il vous plaît, appuyez-les dans leur ministère par votre active participation et votre prière d’encouragement. »
 

Ah! N’est-ce pas que c’est beau? Soeur Mel (aucun lien de parenté avec Mel Gibson) va remplacer le Père Bill pour les Assemblées du ‘Samedi-Dimanche’ et du ‘Dimanche-Dimanche’! Bill le Modérateur va être en train de relaxer quelque part, et ne sera donc pas là pour ‘modérer’ Soeur Mel. Elle aura enfin tout le sanctuaire pour elle seule... Alors s.v.p. allez-y pour l’ « appuyer par votre active participation... » Et puis vous êtes chanceux: Elle vous garantit, une semaine à l’avance, qu’elle fera preuve « de la plus grande révérence et dévotion »! Je voudrais bien être moi-même en mesure d’en promettre autant à mes fidèles! Peut-être devrais-je lui demander quel est son secret... Et puis que peut donc signifier cet avertissement au sujet de la nécessité de démontrer son support et sa loyauté vis-à-vis de sa paroisse, en n’allant pas à une autre où il y aurait une Messe? Aller à la Messe le dimanche, n’est-ce pas ce que sont supposés faire les Catholiques? Ou alors, recevoir votre argent est devenu plus important que votre réception des grâces venant de la Messe et de la Communion? Ils disent que l’Église et l’évêque du lieu ont décrété que l’assistance aux ‘Assemblées Dominicales en l’Absence de Prêtre’ (ADAP) suffit à remplir le devoir dominical...

J’ai vérifié dans le Nouveau Code de Droit Canon et, mes Aïeux! C’est effectivement écrit en toutes lettres! Mais c’est bien enveloppé dans une belle ruse. En effet, les Canons # 1246 n.1, 1247, et 1248 n.1 réaffirment la doctrine traditionnelle sur le sujet, à savoir que les dimanches et d’autres jours spécifiques sont des Fêtes d’obligation pour tous les Catholiques, et que ceux-ci se doivent de participer à la Messe en ces jours, et que cette obligation est remplie quand ils assistent à une Messe célébrée dans n’importe lequel des rites Catholiques. Jusqu’ici pas de problème... Là où le bât blesse, cependant, est au Canon 1248 n.2 qui dit: « Si à cause du manque d’un ministre sacré, ou pour toute autre grave cause, la participation à l’Eucharistie devient impossible, il est spécialement recommandé que les fidèles prennent part à la liturgie de la parole, si elle est célébrée dans l’église paroissiale ou dans un autre lieu sacré... » Je dois avouer que je me sens un petit peu nigaud quand je lis cela. Il m’est simplement impossible d’en découvrir la logique. Prenez donc le temps de relire cette citation à nouveau... Elle donne deux raisons pour lesquelles un fidèle n’est plus obligé d’aller à la Messe les dimanches et jours de fêtes d’obligation, et où il se doit plutôt de participer à une ‘liturgie de la parole’ (on ne dit même plus Parole): 1- Quand il n’y a pas de prêtre disponible pour dire la Messe (d’accord, ça je peux comprendre...). 2- Quand il y a n’importe quelle autre grave cause. Et c’est là mon problème: Quelle cause grave peut-il exister de ne pas aller à la Messe si le prêtre est, en fait, disponible pour dire la Messe à la paroisse? La maladie? Une panne de voiture? (Ces causes ont traditionnellement été admises). Car le manque de logique c’est ceci: Si vous ne pouvez assister à votre Messe de paroisse pour ces raisons graves, comment le Canon 1248 n.2 peut-il vous demander d’assister à une ADAP dans votre paroisse ou dans un autre lieu sacré? De plus, il ne devrait pas y avoir d’ADAP à votre église, parce que, souvenez-vous, le prêtre est disponible pour dire la Messe! La seule façon qui me reste pour expliquer ces ‘autres graves causes’ qui dispenseraient un fidèle d’assister à la Messe, et qui lui feraient s’acquitter de son devoir dominical en assistant à une ADAP à sa paroisse, alors que le prêtre est de fait disponible, est de considérer trois possibilités: 1- Le prêtre est bien là, mais il est trop paresseux pour dire la Messe, alors il laisse une ‘Ministre Paroissiale’ présider une ‘liturgie de la parole’, et il fait semblant d’être intéressé.; 2- Il est endormi à la sacristie et personne n’est capable de le réveiller; 3- Il est trop soûl pour trouver la ‘table’ de célébration... Si vous êtes capables de trouver une meilleure explication au manque de logique de ce Canon, faites-le moi savoir, ça m’intéresse...

En définitive, nous sommes ici en présence d’un procédé typique de Vatican II. Premièrement, on réaffirme une vérité Catholique traditionnelle. Deuxièmement, on la renie en pratique. Dans les Canons # 897, 898, et 899, le Nouveau Code exprime de très belle manière la doctrine sur l’Eucharistie, le Sacrifice de la Messe, etc. Les Canons # 1246 n.1, 1247, et 1248 n.1 font de même par rapport à l’obligation d’assister à la Messe les dimanches et jours de Fêtes d’obligation. Mais le Canon 1248 n. 2 vient détruire et annuler toutes ces belles paroles avec une directive d’ordre pratique: Les fidèles devraient assister à une ‘liturgie de la parole’ dans leur paroisse s’il n’y a pas de prêtre disponible, ou s’il y a ‘quelque autre cause grave’ qui rend l’obligation d’assister à la Messe impossible à observer.

Le bulletin du 3 septembre 2006 de la paroisse de la ‘Petite Fleur’ nous donne un exemple de l’impact concret qu’a le Nouveau Code de Droit Canon sur la vie quotidienne des Catholiques modernes. En un mot, il leur envoie ce message: Oui, la Messe est une bonne chose, mais une liturgie de la parole fait aussi bien l’affaire. Or c’est exactement ce que Luther disait dans les commencements de sa révolte contre l’Église. Et après quelque temps, c’est la ‘parole’ qui primait! Les Protestants alors se mirent en effet à utiliser les mots de Notre Seigneur (« Quand deux ou trois d’entre vous s’assemblent pour prier... ») pour affirmer qu’Il est présent les dimanches parce que les gens sont réunis pour prier, et parce qu’Il est la Parole qui se lit... Or c’est exactement ce que dit l’Introduction au Missel de Paul VI (Cf. l’Institutio Generalis # 7). Le Canon # 1248 n. 2 est simplement une autre preuve de ce que l’Église Moderne est en train de devenir de plus en plus Protestante en esprit et en œuvres. Remercions donc le bon Dieu de nous avoir donné la grâce de comprendre qu’il y a cette terrible crise dans l’Église! ?


Communicantes Avril-Juin 2007 No.8